La nature des hommes

mardi 10 mars 2009

Une lune qui bat... (34ème jour de grève générale)

La peau de la lune est tendue. La lune est marquée, frappée par l’écho des coups sur les peaux-plastique des tambours de la rue. La peau de mon cœur est tendue. Ca bat fort à l’intérieur. C’est la vie pleine qui bat là. C’est la vie ronde qui se manifeste à grand coups portés. La fanfare marche vite. Je peine à la suivre. Mes jambes ne me portent pas. C’est mon cœur qui avance. C’est la lune qui me tient par une ficelle fragile. Elle me tient, la lune. Les tambours me tiennent. Mon cœur me tient dans un couloir étroit où je n’ai d’autre choix que de me cogner à ses parois.

Le long de la Savane, les lumières des lampadaires projettent mon ombre, immense sur la chaussée. A mesure que j’avance, mon ombre rétrécit. Voilà que je fais corps avec elle. Voilà qu’elle tente de s’échapper. Mais retenue à mes pieds, mon ombre grandit derrière moi, se multiplie avant de faiblir. Un autre lampadaire révèle une nouvelle ombre. Elle suit le même tempo que la précédente. Me précède, se fond, me suit, se multiplie. Me précède, se fond, me suit, se multiplie. Et mon cœur pulse. Et sur les tambours, les baguettes s’alternent. Et mon cœur se tend. Et mon corps se détend. Et mon cœur se tend. La lune est témoin. Hier, j’avais froid, cramponnée à un bout d’espoir. Aujourd’hui, mes mains sont vides et je souris à la lune pleine.

La fin de la grève est dans le ventre de cette lune pleine. Une intensité légère l’auréole. Non plus de hargne, ni de colère. Non plus de tristesse, ni de désarroi. Mais une impatience de vie. Mais un désir d’explosion. Le terme approche après 34 jours de gestation. Relâchement des muscles. J’écoute la fanfare, le meeting et les bruits de mon cœur étouffer les râles de mes convictions. Maintenant que les illusions sont tombées, maintenant que les masques se replacent, qu’y a t-il à espérer, qu’y a t-il à craindre ? Qu’y a t-il à demander ? J’ai au cœur, la joie d’être là, parmi tous, pour vivre dans un dernier petit-ensemble la folie créatrice d’une société plus profonde. Ma caméra se balade en un seul plan serré et saccadé, kimafoutidisa ! Ma caméra est folle et s’en va sans but entre les tambours, entre les corps, de la lune à mes yeux. De mes yeux à la lune. Trainées de lumières, formes illisibles. C’est la vie sans hier et sans demain qui bat là.

La fanfare marche vite. Je dois courir un peu pour rester dans son ventre. Je n’ai pas envie de naître à demain. Paix-là les pipiris ! Je veux sentir encore le fil de la lune. Encore être malaxée par le son des tambours. Encore sourire à tous ces rouges lumineux, courageux. Si beaux, tendus dans cet éphémère douboute.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire