La nature des hommes

lundi 20 avril 2009

Dans le coin de la boite.

C’est la nuit. Contre la lumière allumée, les insectes viennent s’écraser. Des hannetons volent comme ils peuvent, là où ils peuvent. Ils sont aveugles. Ils n’ont pas d’antennes. Un instant dans l’air, dés projetés par la main de l'inconnu à la barque, ils tournoient aléatoires avant de retomber sur le carreau. Peut-être un six. Peut-être un deux. Peut-être sur le dos, peut-être sur le mur. Ils ne voient pas où ils vont, mais ils y vont. Si le destin ne les renverse pas, ils se retrouveront coinçés dans un coin pointu formé par l'angle du plafond et de deux murs. Alors, il ne restera d’eux que le vrombissement de leurs ailes et, en tendant bien l’oreille, le pok de leur carapace contre la surface, le bruit de leur dérisoire croyance qu’aller au-delà est possible. Il fait nuit sur ma terrasse. La lumière de l’ampoule est si vive qu’elle écrase tous les détails, tous les entours et brouille tous les chemins. Aveuglante obscurité.

Je plisse les yeux pour percer le tout-tout-noir, distinguer chaque détail, chaque entour, chaque chemin. Pour mieux connaître la nature du coin contre lequel je suis coincée. Moi, hanneton arrangé, je peux plus ou plus longtemps que le hanneton de campagne. Je peux distinguer les parois ; je pourrai ne plus vouloir leur donner mon dos.

Alors, je suspendrai mon vol inutile. Je me laisserai tomber dans les airs vertigineux pour quitter ce coin qui contient tous mes possibles sur une toute petite étagère. Je me laisserai aller à l’espace infini.
Il sera midi tout le temps.
Il sera midi à chaque instant.
Il sera midi. Un midi sans ombre, sans montre, debout. Un midi roforofo.
Un midi en mitan, sans chapeau, un midi au loin, un midi partout.
Un midi de négresse de la pure espèce.
Il sera un midi sans poutchi ni pourquoi.

Le tout-tout noir devient plus clair. Une paroi... deux parois... un plafond... Je suis dans ce là, dans une boite elle-même coincée dans une martinique aux coins infinis, boite à serpents. Maintenant, je m’en éloigne pour déployer encore une fois mes ailes. Mon ciel ouvert. Je sais qu’un autre coin dans une autre boite happera mon mouvement bientôt ou tard. Ma carapace endurcie ne percevra ni la douceur ni le brutal de la paroi contre laquelle je me heurterai avec l’illusion d’être toujours en train de voler.

Pok !

Un hanneton touche le coin. Vrooum. Pok ! Un deuxième hanneton vient se cogner au premier. Vrooum vrooum. Carapace contre carapace, l’espace ceint devient le nouveau monde des possibles alignés en boites de conserves. Sur le sol, qui 6 qui 2 qui double 4, les dés renversés ont perdu leurs illusions.